Rien ne permet de l’affirmer… alors insinuons-le

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Le 6 février 2015, le Conseil de presse du Québec a reconnu le bien-fondé d’une plainte à l’endroit d’un reportage de Radio-Canada diffusé le 31 mars 2014, en pleine campagne électorale au Québec.[1] Ce reportage, selon le Conseil, était en partie tendancieux et avançait imprudemment des informations qui n’étaient pas adéquatement étayées. Il laissait entendre, sur la base du témoignage de sources non-identifiées, que Claude Blanchet, conjoint de Pauline Marois, laquelle allait devenir chef du Parti québécois et plus tard Première Ministre, avait en 2007 et 2008 sollicité des contributions financières pour les campagnes de son épouse, auprès d’entreprises dont il savait qu’elles allaient recourir à des prête-noms pour amasser les fonds nécessaires. Radio-Canada en a appelé de la décision et le 16 février 2016, le Conseil a annoncé qu’il renvoyait le dossier en première instance. La décision à venir est d’un grand intérêt public. Advenant qu’elle aille à l’opposé de la décision initiale, elle pourrait donner ses lettres de noblesse au journalisme d’allégation, un genre qui monte en puissance.

L’essence du journalisme d’enquête, c’est de révéler et de prouver la véracité de faits d’intérêt public. Avoir raison ne suffit pas. On peut très bien avoir raison parce qu’on a deviné ou pressenti la vérité. Le cas échéant, ça n’a rien à voir avec le journalisme. Ce qui distingue le journalisme d’autres formes de communication, c’est le travail de vérification qu’il suppose. On attend avant tout des faits, pas des hypothèses, ni des intuitions.

Le journalisme d’allégation consiste pour sa part à lancer des accusations sans les formuler ouvertement, ou à faire état de rumeurs ou de spéculations, pour ensuite sommer la personne mise en cause de prouver qu’elles sont sans fondement. Le fardeau de la preuve est inversé. Ce n’est pas le journaliste qui prouve que quelque chose s’est produit, c’est la victime qui doit prouver que quelque chose ne s’est pas produit. Si la victime nie, comme c’est souvent le cas, elle n’aide guère sa cause : ses dénégations peuvent être utilisées pour valider la nouvelle en montrant que le journaliste a généreusement livré les « deux côtés de la médaille ». Et à ce stade, en général, il est trop tard, le mal est fait, impossible de remettre le dentifrice dans le tube.

En journalisme d’enquête, le journaliste se mouille sans crainte : il a des faits, des preuves, des réponses; et si les sources sont anonymes, ce qu’elles disent a été vérifié. La victime peut bien nier, c’est son droit, mais elle nie l’évidence. En journalisme d’allégation, le journaliste s’efforce de ne pas se mouiller. Il se cache derrière ses sources, se disant là pour poser des questions troublantes et d’intérêt public, il utilise le conditionnel. Et dans bien des cas, l’histoire n’a pas de suite : les preuves ne se matérialisent pas, même a posteriori.

Les codes de déontologie journalistique s’entendent. Les sources anonymes, c’est-à-dire celles dont les journalistes cachent l’identité,[2] commandent des précautions. La plus fondamentale de celles-ci est simple : les journalistes doivent s’assurer de la véracité de ce que la source avance, puisque c’est leur crédibilité qui est dans la balance, et non celle de la source. Ils doivent par exemple trouver au moins une autre source, indépendante de la première, qui dit la même chose. Si la démarche est concluante, on convient généralement que l’effort de prouver la véracité de ce qui est allégué a été suffisant, sauf si la question est d’une gravité telle que d’autres sources sont jugées nécessaires. C’était probablement le cas ici, puisque le tout se passait en campagne électorale, et qu’il était raisonnable de craindre que le reportage aurait un impact sur le processus démocratique.

Le code de déontologie de l’Association canadienne des journalistes laisse peu de place à l’interprétation : « We independently corroborate facts if we get them from a source we do not name ».[3] La Presse canadienne est également directive : « Reporters writing stories containing unnamed sources must be able to demonstrate [that] the information can be verified by at least one other source, even if unnamed ».[4] Et voici comment Associated Press et le New York Times entendent les choses : « Stories should be held while attempts are made to reach additional sources for confirmation or elaboration. In rare cases, one source will be sufficient, when material comes from an authoritative figure who provides information so detailed that there is no question of its accuracy »;[5] « If the impetus for anonymity has originated with the source, further reporting is essential to satisfy the reporter and the reader that the paper has sought the whole story ».[6]

Les Droits et responsabilités de la presse (DERP) du Conseil de presse du Québec disaient jusqu’en 2015 : « [Les journalistes] doivent prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de la fiabilité de leurs sources et pour vérifier, auprès d’autres sources indépendantes, l’authenticité des informations ». Elles disaient aussi que l’utilisation de sources anonymes doit être justifiée et exceptionnelle, et qu’il est nécessaire de dire au public pour quelle raison l’anonymat a été accordé.[7]

Quant aux Normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada (NPJ), directement en cause ici, elles disent : « Notre engagement en faveur de l’exactitude et de l’intégrité implique que nous nous efforcions de contre-vérifier l’information auprès d’une deuxième source. Il peut même arriver que plus de deux sources soient nécessaires. Nos reportages sont fondés sur des informations validées. Chaque fois que cela est possible, nos reportages font appel à des sources identifiées, de première main, qu’il s’agisse de participants à un événement ou de documents authentifiés. L’importance d’avoir une ou plusieurs sources dépend de la nature et de la qualité de la première source. Si la première source est confidentielle, nous nous efforçons de vérifier l’exactitude de l’information en la corroborant de manière indépendante. » Notons ici l’utilisation du verbe « s’efforcer ». Dans leur incarnation précédente, qui a eu cours jusqu’en 2010, les NPJ disaient plutôt, sur cette même question : « [Le journaliste] doit s’assurer de la fiabilité de sa source et faire corroborer par d’autres sources les informations obtenues ».[8] Il serait intéressant de savoir pourquoi cette obligation de corroboration n’existe plus à Radio-Canada, et en quoi le public a gagné quelque chose au passage. Pourquoi avoir ouvert cette porte ?

Dans le reportage, une première source non-identifiée affirme que Blanchet a sollicité une contribution de 25 000 $ pour la campagne de son épouse, et que des chèques totalisant ce montant lui ont été remis plus tard, en mains propres. La source a signé à cet effet une déclaration assermentée. Cette information aurait été corroborée par une autre source, elle aussi non-identifiée, mais le reportage ne le mentionne pas.[9] Le reportage laisse par ailleurs entendre que Blanchet savait que la somme ne pouvait être amassée sans recourir à des prête-noms, par le biais de la source, qui dit : « C’est clair que les solliciteurs savent que ça se passe de même. Mais ils vont toujours le nier (…) ». Ce dernier commentaire, de toutes manières spéculatif et non-concluant, ne figure pas dans la déclaration assermentée.

Une deuxième source non-identifiée déclare avoir été sollicitée à hauteur de 5 000 $ et avoir fourni à Blanchet, en mains propres, des chèques totalisant ce montant. Le reportage ne contient aucun signe de corroboration de cet autre événement.

En somme, aucune des deux sources n’affirme que Blanchet savait que des prête-noms seraient utilisés, et le reportage n’est ni convaincant ni explicite au chapitre de la corroboration.

« Autre côté de la médaille » oblige, le reportage fait état de la position de Blanchet, qui a l’occasion de nier très fermement qu’il n’a pas sollicité 25 000 $ et donc pas reçu de chèques totalisant ce montant, et qu’il n’a jamais contrevenu aux règles. En outre, par le biais de son avocat, Blanchet a fait parvenir à Radio-Canada une lettre niant avec véhémence les faits allégués, avant la diffusion du reportage.

Dans un communiqué émis le 18 février 2015, Radio-Canada signale, comme on l’a dit un peu plus haut, avoir disposé d’une autre source, elle aussi confidentielle, qui aurait confirmé « en tout point les révélations [de la] première source », à savoir les faits liés à la sollicitation de 25 000 $ et à la remise subséquente de chèques totalisant ce montant à Blanchet. On peut se demander comment il se fait qu’aucune source n’a voulu parler à visage découvert et si le journaliste a mis toute la pression nécessaire à ce titre. On peut surtout se demander pourquoi le reportage et sa manchette, si les faits sont ainsi corroborés, utilisent le conditionnel (« Claude Blanchet aurait sollicité des firmes de génie-conseil »). Si la deuxième source était probante, pourquoi le conditionnel a-t-il survécu ? Et si elle ne l’était pas, en quoi sommes-nous plus avancés grâce à elle ? L’information est solide, ou pas ?

Autre condition importante en matière d’utilisation de sources non-identifiées, et universellement reconnue, il faut expliquer pourquoi l’anonymat a été accordé. Ce qui sous-entend, bien évidemment, que la raison doit être valable. À la lumière de certains jugements de la Cour suprême du Canada, il est même possible d’affirmer que protéger l’identité de la source, au moins dans certaines circonstances, doit s’avérer dans l’intérêt public, ce qui place la barre assez haut. La presse elle-même reconnaît d’ailleurs que l’anonymat ne peut pas et ne doit pas être accordé à la légère, qu’il ne peut l’être qu’à certaines conditions, et que le public a le droit se savoir pourquoi on lui cache qui parle. Ici, le reportage dit simplement que les deux sources principales sont demeurées non-identifiées parce qu’elles l’ont demandé. On peut difficilement mettre la barre plus bas.

En démocratie, on a le droit de connaître ses accusateurs. Certains codes de déontologie, ceux du New York Times, du Globe and Mail, du Toronto Star et de l’Association canadienne des journalistes par exemple, proscrivent l’utilisation de sources non-identifiées lorsque leur propos constitue une attaque personnelle.[10] On comprend bien ce qu’on essaie de prévenir ainsi, à savoir que des sources mal intentionnées détournent à leur profit la crédibilité d’une salle de nouvelles pour régler des comptes ou procéder à une exécution publique sous le couvert non seulement de l’anonymat, mais d’un anonymat protégé par le noble idéal de la protection des sources journalistiques. L’esprit de la mise en garde, c’est que les propos potentiellement diffamatoires devraient être faits à visage découvert, et que les journalistes doivent veiller à ne pas se laisser instrumentaliser. En 2009, la Cour suprême a eu l’occasion, dans un jugement historique balisant le journalisme dit responsable, d’évoquer l’importance que les propos à caractère diffamatoire soient attribués.[11]

Dans le reportage de Radio-Canada, à aucun moment le journaliste n’affirme lui-même que Blanchet a sollicité des fonds, reçu des chèques, ou qu’il savait que des prête-noms seraient mis en jeu. Mais à partir du moment où une des versions en présence ne s’avère reposer que sur les assertions de sources anonymes, les journalistes ne peuvent plus se poser en simples témoins d’un débat entre une partie qui affirme et une autre qui nie. Lorsqu’ils n’ont pu convaincre les sources d’assumer leurs propos publiquement, ce sont les journalistes qui en deviennent les porteurs. Pierre Sormany, un ancien journaliste d’enquête de Radio-Canada et auteur d’un manuel de journalisme connu et reconnu au Québec, écrit ainsi, au sujet du recours à une source qui va demeurer non-identifiée : « En pareil cas, le journaliste engage sa responsabilité personnelle et celle de son média dans la transmission de l’information ».[12]

Il ne saute pas aux yeux, bref, que la lettre et l’esprit des règles qui s’appliquent aux sources non-identifiées ont été respectés dans le reportage.[13]

La sollicitation financière, si elle a eu lieu, ne constituait pas un acte illégal, ce que le reportage reconnaît ouvertement. Ce qui était « juteux », le cas échéant, c’était le recours supposé à des prête-noms. Sans la présence de ce volet dans l’histoire, il est raisonnable de croire qu’il n’y aurait pas eu de nouvelle. Or, dans le reportage, le journaliste reconnaît qu’il ne détient aucune preuve que Blanchet savait ce qu’allait faire la firme soi-disant sollicitée. Il dit : « Claude Blanchet savait-il la façon de procéder de la firme de génieconseil ? Rien ne permet de l’affirmer. Joint au téléphone, et bien que ne sachant pas l’identité de notre source, il a nié énergiquement ces affirmations ».

Rien ne permet de l’affirmer ? Vraiment ?

Si rien ne permet de l’affirmer, c’est que rien n’est solidement établi. Et si rien n’est établi, quelle est la nouvelle ?

Ce passage du reportage sous-entend par ailleurs que la sollicitation, elle, est un fait établi, puisque le journaliste ne remet en question que le recours aux prête-noms. Pourtant, le reportage parle de la sollicitation au conditionnel, et Blanchet nie vigoureusement qu’elle a eu lieu. Ne sommes-nous pas ici devant l’équivalent de : « Quelqu’un qui ne veut pas être nommé affirme que X bat sa femme, ce qu’il nie fermement, mais rien ne permet d’affirmer qu’elle a dû être hospitalisée »?

Le Conseil de presse écrit dans sa décision initiale : « [Si] rien ne permet d’affirmer que M. Blanchet savait que les firmes sollicitées auraient recours au stratagème des prête-noms, on ne peut non plus ignorer que le reportage en entier est construit autour de cette suspicion… Il semble évident pour le Conseil que l’auditeur moyen aura essentiellement retenu de ce reportage que M. Blanchet avait quelque chose à se reprocher, alors même que les preuves allant en ce sens sont extrêmement ténues, voire inexistantes. Le fait d’affirmer, plus tard durant le même reportage, qu’aucune preuve solide ne vient appuyer les dires de la première source anonyme ne peut justifier la publication d’une information non vérifiée, qui n’avait pas plus de valeur qu’une simple rumeur ».

Étions-nous ici devant une rumeur, ou devant un fait ? Je pencherais pour l’expression « allégation ». Une allégation qui, une fois publiée, devient une rumeur. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec dit : « Une rumeur ne peut être publiée sauf si elle émane d’une source crédible, et si elle est significative et utile pour comprendre un événement. Elle doit toujours être identifiée comme une rumeur. Dans le domaine judiciaire, la publication de rumeurs est à proscrire ».[14] En l’occurrence, du point de vue du public, la crédibilité de la source était-elle établie ? Étions-nous dans le domaine judiciaire ? La rumeur a-t-elle été identifiée sans ambiguité comme une rumeur ? Il est difficile de prétendre en tout cas que la « rumeur » permettait de comprendre un événement, puisqu’il semble que l’événement était la rumeur.

En télévision, les images sont puissantes. Pendant qu’on entend Blanchet nier qu’il a collecté des fonds et reçu des chèques, et alors que le journaliste ne semble pas avoir de preuve que c’est le cas, on voit une enveloppe changer de mains, en gros plan, et plutôt deux fois qu’une. La mise en scène est théâtrale, mais nous sommes dans un bulletin de nouvelles, et les images communiquent de l’information. Le texte est rédigé au conditionnel, mais les images sont à l’indicatif. Pour le Conseil de presse « il ne fait aucun doute que les mis en cause, en diffusant des images montrant précisément, et au même moment, ce qu’était en train de nier M. Blanchet, cherchaient à discréditer la version des faits de ce dernier. En procédant ainsi, le Conseil est d’avis que les mis en cause ont créé de la confusion sur le véritable sens de l’information transmise et ont en conséquence commis une faute déontologique. » En somme, le journaliste discrédite alors une thèse, celle de Blanchet, dont il ne prouve pas qu’elle est fausse, pour lui en substituer une autre, la sienne, dont il ne prouve pas qu’elle est vraie, et qu’il évoque au conditionnel.

En journalisme d’enquête, un journaliste qui a mené son travail à terme peut commencer son reportage en disant que tout permet d’affirmer que ce qu’il va dire est exact. C’est l’essence même du genre. Même si quelqu’un nie, le journaliste affirme, parce qu’il a vérifié, et qu’il a des preuves, et des sources crédibles. Un signal d’alarme devrait retentir immédiatement lorsqu’un journaliste, sous une forme ou sous une autre, nous signale que rien ne permet d’affirmer que ce qu’il va évoquer s’est produit.

« Une enquête journalistique s’appuie généralement sur une prémisse, mais nous ne diffusons jamais le résultat d’une enquête avant d’avoir suffisamment de faits et d’éléments de preuve pour nous permettre de tirer des conclusions et de porter des jugements » disent les NPJ de Radio-Canada. On peut présumer, lorsque ces critères sont respectés, que les manchettes n’ont pas besoin d’être conjuguées au conditionnel.

Pour le public, ici, rien n’est clair. Peut-être Blanchet est-il en tort, et peut-être le journaliste a-t-il raison. Ou l’inverse. Mais parce qu’un certain nombre de garde-fous méthodologiques ont été enfoncés, le résultat n’est pas probant. On lance ou on accrédite des rumeurs, rien d’autre, alors que le rôle des journalistes est plutôt de les combattre. Quiconque a vu le reportage ne sait pas ce qui est vrai, ce qui est faux, et qui a raison. Ce n’est pas ce sentiment de confusion que l’on est censé éprouver après avoir été mis au fait des résultats d’une « enquête ».

Devant un reportage d’une telle nature, chacun aura tendance à s’accrocher à ce qui le confortera dans ses préjugés, ou dans son désir de critiquer une partie ou l’autre. Ce qui est perçu comme douteux pour l’un sera alors vu comme avéré pour l’autre. Il est également tentant de faire des procès d’intention. Ici, les faits évoqués remontaient à plusieurs années. Certains ont donc demandé quelle était l’urgence, en pleine campagne électorale, de faire état de faits allégués vieux de sept ans et ouvertement présentés comme incertains. Il y a cependant un réel danger, dans de telles circonstances, de poser des jugements sommaires et de voir de la mauvaise foi là où il n’y en a pas.

Abordons la question plus froidement, par la voie méthodologique. Les tribunaux ont eu de nombreuses occasions, dans le passé, de se pencher sur le travail des journalistes, et en sont venus à insister sur leur obligation de moyens, et non leur obligation de résultat, les assimilant ce faisant à d’autres professionnels.[15] Comme l’avocat qui ne peut gagner tous ses procès, ou le médecin qui ne peut sauver tous ses patients, la question qui se pose alors est de savoir si une nouvelle a été abordée selon les règles de l’art, avec les précautions nécessaires, et si les moyens normaux et raisonnables ont été mis en œuvre dans sa préparation. Le test n’est pas de savoir si le journaliste a bien deviné ce qui se passe, mais de déterminer s’il a été méthodique et impartial dans son travail.

Le Conseil de presse, donc, va réexaminer ce dossier. Il faut souhaiter que la décision initiale sera confirmée, voire renforcée. Voulons-nous d’un journalisme qui se pratique au conditionnel ? Voulons-nous mettre sur le même pied des enquêtes abouties, rigoureuses, et d’autres qui, en définitive, n’ont tout simplement pas porté fruit ? Dans quelle mesure faut-il accepter des nouvelles dont « rien ne permet d’affirmer » qu’elles sont fondées ? Quel rapport la presse devrait-elle entretenir avec les rumeurs : est-elle là pour les tirer au clair, les accréditer, en lancer de nouvelles ?

© Michel Lemay. Reproduction d’extraits permise avec mention de la source. En 2014, l’auteur a publié VORTEX, la vérité dans le tourbillon de l’information, chez Québec Amérique.

[1] Décision D2014-07-008.

[2] Nombreux sont ceux qui voudraient qu’on parle de sources confidentielles, et non de sources anonymes, puisque leur identité est connue du journaliste. Je préfère me placer du point de vue du public. Pour ce dernier, elles sont bel et bien anonymes, c’est bien « l’anonymat » qui leur a été accordé. Par ailleurs, de nombreux auteurs et organisations, dont le New York Times et le Conseil de presse du Québec, parlent de sources anonymes.

[3] Canadian Association of Journalists, Ethics Guidelines.

[4] The Canadian Press Stylebook, 13th edition, p. 26.

[5] Associated Press Stylebook, 2013, p. 316.

[6] The New York Times Company, Confidential News Sources Policy.

[7] Conseil de presse du Québec, DERP, troisième édition, 2.1.7. Les DERP ont été révisées en 2015, et malheureusement allégées. Voir mon analyse de la question : https://www.wapizagonke.com/cancer-et-poudre-aux-yeux-les-sources-anonymes/

[8] IV, A, 4.1

[9] Cette information a été évoquée auprès du Conseil de presse et est tirée de la décision.

[10] «We do not grant anonymity to people who use it as cover for a personal or partisan attack » (The New York Times Company, Confidential News Sources Policy); [Anonymous sources] cannot be used to voice opinions or make ad hominem attacks » (The Globe and Mail); The Star does not provide anonymity to those who attack individuals or organizations or engage in speculation, the unattributed cheap shot (Toronto Star Newsroom Policy and Journalistic Standards);« We do not allow anonymous sources to take cheap shots at individuals or organizations » (Association canadienne des journalistes).

[11] Grant c. Torstar Corp.

[12] Sormany, Pierre. Le métier de journaliste. Troisième édition. Boréal, 2011. Page 208.

[13] Le reportage évoque deux autres sources, elles aussi anonymes, en l’occurrence des prête-noms. Aucune raison n’est donnée pour justifier leur anonymat. Ni l’une ni l’autre ne mettent Blanchet en cause.

[14] Guide de déontologie, Fédération professionnelle des journalistes du Québec.

[15] Voir notamment Cour suprême du Canada, dans Société Radio-Canada, appelante, c. Gilles E. Néron Communication Marketing Inc. et Gilles E. Néron, paragraphe 61. Voir également Cour suprême du Canada, dans Grant c. Torstar Corp. aux paragraphes 110 et suivants, où la Cour élabore le cadre du journalisme responsable. Les paragraphes 111 à 114 semblent particulièrement pertinents en l’occurrence.