En juillet 2004, avec sa décision dans le dossier Néron, la Cour suprême du Canada formalisait le concept de journalisme « raisonnable ». Plusieurs dans les médias ont rapidement conclu, à l’époque, que le ciel venait de nous tomber sur la tête. Que c’en était fini de la liberté de presse. On a crié à l’imposture[1], à l’abus de pouvoir[2]. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec menait vaillamment la charge, la présidente Anne-Marie Dussault clamant que ce jugement « inique » consacrait l’intrusion des juges dans les choix éditoriaux[3]. Quinze ans plus tard, je n’ai trouvé trace ni d’intrusion, ni d’accroc à la liberté de presse. J’ai demandé à la FPJQ si elle pouvait pointer du doigt quelque cause célèbre. Ou si, sait-on jamais, avec le recul, elle avait aujourd’hui une position plus nuancée. On n’a pas jugé bon de me répondre. En attendant, non seulement la Terre tourne toujours, mais il semble bien que l’arrêt Néron profite avant tout aux médias. Lire la suite
Et donnez-nous notre scandale quotidien
« Un décompte qui ne passe pas », annonçait La Presse, à la une, le 28 janvier dernier. Le journaliste Tommy Chouinard écrivait : « Le Ministère de l’Éducation a causé toute une commotion en demandant à des commissions scolaires de dénombrer les enseignants et les membres de la direction des écoles qui portent un signe religieux au travail ».[1] La demande de dénombrement était présentée comme fait avéré, aussi bien dans le texte qu’en manchette.
À Radio-Canada, Michel C. Auger en trépignait d’indignation. Le gouvernement cherchait des chiffres ! Il voulait se documenter ! Comprendre ! Quelle horreur ! Lire la suite
De la fausse nouvelle au poteau d’exécution
La lecture de « L’Exécution », livre coup de poing du Dr. Albert Benhaim, ne peut laisser indifférent.[1] L’ouvrage relate le révoltant parcours du combattant qu’ont fait vivre à l’auteur la Régie de l’assurance-maladie du Québec et le Collège des médecins, sans raison valable. Des années de harcèlement moral et institutionnel, une saga qui soulève beaucoup de questions, notamment au chapitre des abus de pouvoir que le système semble permettre. L’affaire a commencé avec un article publié dans La Presse, qui mérite qu’on s’y attarde. Lire la suite
Controverse: Guide d’Assemblage
Le 25 octobre, le National NewsMedia Council (NNC) a rendu une décision au sujet d’un article publié dans le Globe and Mail en juillet dernier. Une décision intéressante, pas totalement satisfaisante, et à bien des égards éclairante. L’article en cause, publié le 31 juillet, intitulé « Russia’s power line: How Bombardier helped build a controversial railroad along Ukraine’s border », n’y allait pas de main morte. Il occupait toute la une et deux pages intérieures. Pas banal. Grosse nouvelle, donc. Mais dans des cas comme celui-là, l’expérience montre qu’il faut faire une lecture attentive du texte, ça sent la nouvelle gonflée à l’hélium.
Conseil de presse: le parcours du combattant
Il a fallu près de trois ans, et quelques ultimatums bien sentis, pour resserrer les boulons du processus de traitement des plaintes au Conseil de presse du Québec (CPQ). Et c’est réussi, ils semblent nettement plus serrés qu’avant. L’affaire a commencé avec des accusations d’influence indue dans le traitement des plaintes à l’endroit du Secrétaire général du Conseil. Elle se termine avec un processus « renouvelé » complexe, qui risque de rendre la tâche des plaignants plus ardue et d’allonger les délais. Un certain équilibre des forces en présence, déjà matière à débat, a-t-il été rompu ?
Pile, je gagne. Face, tu perds
Le récent virage à 180 degrés du Conseil de presse du Québec au sujet du reportage de Radio-Canada sur les démarches alléguées de financement politique de Claude Blanchet soulève des questions (D2014-07-008). Alors que la plainte avait été jugée fondée par le Conseil en 2015, voilà que le reportage hier jugé tendancieux est maintenant érigé en modèle à suivre. En effet, la décision révisée ne s’accompagne d’aucune nuance. Pas la moindre réserve. Selon le Conseil, nous sommes devant la perfection même. On envoie ici de drôles de signaux. En applaudissant le déroulement du tapis rouge à des sources anonymes dont les motifs demeurent nébuleux. En mettant insinuation et démonstration sur le même pied. Et au final en abaissant considérablement la barre en matière de journalisme d’enquête.
Soupir de soulagement: c’est les sources!
Ouf, quel soulagement ! Les reportages erronés de TVA des 12 et 13 décembre, au sujet des mosquées, ne témoignent pas d’un problème interne. Tout était la faute des sources. Le journaliste Félix Séguin, après avoir fait les vérifications qui auraient dû être faites la semaine dernière par sa collègue, l’a confirmé : « La version des faits de l’entrepreneur n’était pas exacte et il a reconnu ne pas avoir fait les vérifications nécessaires… » C’est fou ce que des sources peu rigoureuses et manquant de formation peuvent causer comme problèmes. Lire la suite
La mosquée et la passoire
Le 12 décembre, TVA Nouvelles publiait une nouvelle qui donne peut-être une bonne idée de la largeur des trous dans la passoire qui lui sert de système d’assurance-qualité. « Les dirigeants de deux mosquées ont fait des pressions sur un entrepreneur pour qu’il n’y ait aucune femme sur des chantiers de construction à proximité de ses lieux de culte, le jour de la prière du vendredi » commençait-elle. En manchette : « Des femmes exclues d’un chantier près des mosquées ». Premier problème, dans la catégorie gros : en fin de texte, on signale que les responsables des mosquées en question, qui ne sont pas nommés, nient en bloc. Le lecteur perturbé se dit que « l’entrepreneur concerné » va sûrement trancher la question et résoudre la contradiction. Eh bien non. Deux entreprises sont en cause, G-Tech [sic] et MAP Signalisation, et comme l’article ne se distingue pas par sa clarté, on ne sait pas exactement qui est « l’entrepreneur concerné ». Mais, nous voilà tout à coup rassurés, « il » dit qu’il pourrait faire la preuve de ce qu’il avance. Ce serait surtout à la journaliste, ici, à faire la preuve de ce qu’elle avance. Et pour ce qui est d’une preuve de quelque chose, on attend toujours.[1]
Racism in Quebec?
“Normally I thrive on adrenaline and deadlines and pressures. In my case, clinical depression was triggered by a backlash from the public about a story (in 2006) about racism in Quebec. What I said (in the article) was Quebec has a tradition of racial purity, and they have a term for it called ‘pure laine,’ which means ‘pure wool’ and jargon for ‘pure blood.’”
This is a quote from the intro to an article by journalist and author Jan Wong, recently published in the Columbia Journalism Review.[1]
It contains at least one misleading falsehood, as her 2006 story was not “about racism in Quebec.” Wong had been dispatched to Montreal by her then-employer, the Toronto-based Globe and Mail, to follow up on an attempted mass-shooting at Dawson College.[2] She was on a straight-news assignment, reporting on a specific event that had nothing do with race. She had been asked to “reconstruct the bloody siege.”
La crise de confiance
Un sondage Gallup mené en 2016 indique une forte baisse de la confiance qu’éprouve le public américain envers les médias. À peine un tiers des répondants estime que l’information est relativement exacte et complète. Par ailleurs, illustration d’un clivage qui est loin d’être rassurant, le public qui s’identifie aux Républicains ne croit pratiquement plus rien de ce qu’on lui raconte, avec un taux de confiance de 14 % (contre 51 % du côté Démocrate, et 30 % chez les indépendants, rien de reluisant).[1]