Couvrir les résultats financiers des entreprises à capital ouvert n’est pas tâche facile et demande beaucoup de rigueur. Les chiffres peuvent a priori sembler mauvais, mais s’ils le sont moins que prévu, ou si le problème est circonstanciel, les nouvelles peuvent en fait être bonnes, voire excellentes ; les chiffres peuvent parfois sembler bons de prime abord, mais s’ils le sont moins qu’attendu par le marché, ou si l’amélioration résulte d’un gain exceptionnel, non relié aux opérations, ils peuvent indiquer un souci, parfois important. Bref, dilettantes, s’abstenir.
Lire la suiteDes croûtes à manger
Le récent « rapport annuel 2021 » de La Presse n’a rien d’un rapport annuel au sens habituel du terme, et tout de la brochure publicitaire. L’essentiel du contenu, outre les prévisibles messages d’autosatisfaction de la direction, est une banale revue de l’année, une sorte de Bye Bye 2021. Les « vraies affaires », de celles qu’on trouve normalement dans un rapport annuel, brillent par leur absence. Sur le plan de la transparence et de la reddition de comptes, La Presse a encore des croûtes à manger.
Lire la suiteIl y a 50 ans: les Pentagon Papers
Il y a 50 ans, le dimanche 13 juin 1971, le New York Times publiait le premier d’une série de dix articles sur l’histoire de la guerre du Vietnam, alors toujours en cours. L’affaire des Pentagon Papers est devenue un point tournant dans l’histoire de la presse lorsque le gouvernement a ordonné au quotidien de cesser immédiatement la publication, au nom de la sécurité nationale. Le New York Times a refusé et l’affaire s’est transportée vers les tribunaux, qui ont dans un premier temps ordonné la suspension temporaire de la publication. La décision ultime de la Cour suprême, le 30 juin, a cristallisé le principe de la liberté et de l’indépendance de la presse. C’est du moins l’idée générale que l’histoire a retenue.
Dans la bonbonnière médiatique
L’entrevue réalisée par Stéphan Bureau avec le professeur Didier Raoult le 26 mai dernier[1] a fait un peu de bruit ces derniers jours. Pour certains, il ne fallait pas donner de temps d’antenne à M. Raoult et pour d’autres encore M. Bureau est passé un peu vite sur ce qu’il a appelé les questions qui fâchent. Mais étions-nous dans la sphère journalistique, ou dans une bonbonnière médiatique comme il y en a beaucoup, où l’on se lance des ballons de plage en échangeant des propos plaisants ? M. Bureau aurait été prévenu que mener cette entrevue entraînerait des risques pour sa carrière, mais de quelle carrière s’agit-il — journaliste, animateur, communicateur, producteur d’humour ou globe-trotter du dimanche ?
Subway et Marketplace : affaire à suivre
La chaîne de restauration rapide Subway pourra finalement poursuivre en diffamation l’émission d’enquête Marketplace, de la CBC, à qui elle entend réclamer plus de 200 millions de dollars. Le 18 janvier dernier, la Cour d’appel de l’Ontario a renversé la décision d’un premier juge, qui avait estimé qu’il s’agissait d’une poursuite-bâillon et plutôt condamné Subway à payer 500 000 $ à la CBC. Selon Marketplace, le poulet qu’on trouve dans les sandwiches de Subway « pourrait » être composé à près de 50 % de protéines de soya, ce que l’entreprise nie vigoureusement. La cause pourra donc aller de l’avant. En parallèle, au Québec, un recours collectif a été autorisé, au nom de tous ceux qui ont acheté un sandwich au poulet chez Subway entre 2014 et 2017.
C’est fou tout ce qu’on trouve sous le tapis
Le 17 décembre 2020, une douzaine de journalistes chevronnés du New York Times ont confronté la hiérarchie, l’accusant d’avoir laissé passer du matériel manifestement douteux et d’avoir ignoré des avertissements qui auraient pu éviter un autre désastre. Certains d’entre eux ont ensuite vidé leur sac auprès d’un chroniqueur du Washington Post, qui a promptement publié un compte-rendu de la séance de lavage de linge sale. Le point de départ : « Caliphate ».
Du bon usage des sources anonymes
“Why should I go to that cemetery? It’s filled with losers.” — Donald J. Trump. Accorder l’anonymat à une source est certes permis par la déontologie. Le dispositif a prouvé depuis longtemps son utilité publique. Je ne connais personne qui remette le principe en cause, ni son pendant, le droit de la presse de protéger l’identité de telles sources. Néanmoins, il ne semble pas clair pour tout le monde qu’il s’agit le cas échéant d’une dérogation — nombre de codes de déontologie en parlent sans ambiguïté comme d’un « dernier recours ». La règle, en journalisme, c’est que les sources sont nommées, pressées de parler à visage découvert. L’anonymat, c’est l’exception. Des conditions s’appliquent (ceux qui veulent creuser la question pourraient relire ici mon texte de 2016 sur le sujet).
La terreur
Incident politico-journalistique au Québec. Un philosophe de l’Université McGill a été traîné dans la boue sur la base d’informations fausses, et un ministre nous a montré de quel bois il se chauffe lorsqu’un chroniqueur lui lance un défi. De telles affaires ont leur utilité. Elles exposent au grand jour, pendant un court moment, quelque chose qui pour le public, au quotidien, est très difficile à discerner : les valeurs. Les véritables valeurs qui ont cours dans les salles de rédaction. Les valeurs professées comme slogan publicitaire, c’est une chose. Les valeurs opérationnalisées, vécues, celles qui gouvernent vraiment les comportements et les décisions, c’en est une autre. Chaque fois qu’il y a bévue, impair, le voile s’entrouvre pendant un court moment. La manière dont le média et le principal intéressé réagissent en dit long sur leur ethos.
La commission de l’inculture
Les patrons des médias ont dû festoyer à l’issue des audiences de la commission parlementaire sur les médias. Je les imagine morts de rire, après avoir vu les syndicats monter à leur défense, compatissant à leur sort, bien enroulés dans l’étendard du droit du public à l’information. Les sujets que tous, à commencer par le gouvernement, voulaient éviter ont effectivement été noyés dans les clichés et la pusillanimité. Il faut dire qu’à écouter les élus, on s’est vite rendu compte qu’ils étaient totalement largués et qu’il ne fallait pas compter sur eux pour démêler tout ça. La complexité des enjeux leur échappait complètement, ils n’étaient aucunement préparés. Toutes les questions glissantes ont été évitées, et ce ne fut pas bien compliqué. Nous venons collectivement de brûler une belle occasion de faire le tour du jardin de l’information. Lire la suite
Commission parlementaire sur les médias: show de boucane?
Le 30 novembre 2018, la Ministre de la culture et des communications annonçait une commission parlementaire « sur l’avenir de l’information au Québec ». « Nous avons décidé d’agir afin d’obtenir une vision d’ensemble de la réalité de l’information partout au Québec et pour trouver, en collaboration avec les divers intervenants du milieu, les solutions pour faire face aux profondes transformations que vit ce secteur » nous disait-on. C’était prometteur, mais la commission, qui amorce ses audiences aujourd’hui, embrassera moins large que promis. Sans tambours ni trompettes, son mandat a été modifié en cours de route. Elle s’appelle maintenant la commission sur l’avenir des médias. Elle va se limiter à examiner le financement des entreprises, la viabilité de leurs modèles d’affaires, leur « indépendance » et leur présence régionale. La « vision d’ensemble » que le gouvernement estimait nécessaire à l’automne n’est plus à l’ordre du jour. C’est d’argent qu’on va parler avant tout, pas d’information. On a pu constater la hauteur que prendra la conversation lorsque la CSN, jamais à court d’idées lorsqu’il s’agit de siphonner quelqu’un au bénéfice de ses membres, a vu le salut dans une taxe sur les téléphones.